Anxiété pandémique

Je comprends parfaitement les craintes, les peurs, l’anxiété, l’anticipation des gens autour de moi. Je le vois bien que ça en fait des choses à penser, des choses à réorganiser, des imprévus. Je sais que, dans ces cas-là, en parler, ça peut aider. Ça aide à relativiser, à faire sortir le méchant et à passer à autre chose. Ça nous rapproche. 

Je travaille dans le milieu de la santé, donc je baigne littéralement dans le Purell à longueur de journée, je porte le masque jetable bleu (ou jaune, pas évident pour le match avec la garde-robe) et les lunettes. Dans ce contexte-là, c’est bien difficile de penser à autre chose, d’oublier qu’on fait tout ça pour ne pas attraper, mais surtout ne pas transmettre à la clientèle vulnérable le virus. Et dans le fond, ça, ça ne me stresse pas tellement. Je vis bien avec les précautions, avec les mesures. J’assume l’acné sur le menton. 

Moi, ce qui me stresse, c’est l’omniprésence du sujet dans nos médias, nos discussions, nos écrits, nos réseaux sociaux, nos courses, nos publicités. Ce qui m’irrite, c’est la peur, pandémique elle aussi, qui se propage aussi vite que le virus. Ce qui m’angoisse, c’est l’angoisse des autres, celle qui se gonfle, qui se propage, qui croît chaque jour et qui déteint immanquablement. Ce qui me dérange, c’est que plus rien autour n’existe ou ne semble avoir de l’importance. Comme si on vivait nos vies dans l’attente du prochain point de presse, du prochain verdict. 

Vivre avec l’impression que ce qui d’habitude nous permet de trouver l’équilibre, de nous changer les idées et de faire diminuer la pression n’existait plus. Bien entendu, il est encore possible de bouger, de profiter du plein air, d’écouter ou de faire de la musique, de prendre du temps pour soi, de lire, d’apprendre sur à peu près tout, mais c’est comme si on ne le voyait plus. Comme si notre plaisir et notre lâcher-prise était dilué dans les statistiques des nouveaux cas et des hospitalisations. Pourtant, la vie n’a pas complètement arrêté. Il se passe encore de belles choses autour de nous, mais notre attention est constamment tournée vers l’évolution de la pandémie et vers l’anticipation des semaines et des mois à venir. L’anxiété, elle, demeure donc tapie et ça mine, ça gruge beaucoup d’énergie et c’est dur pour le moral, le mien y compris.

Suivre la pandémie et rester prudent et informé est important, mais garder un équilibre de vie l’est tout autant. Peut-être est-ce seulement une question de perspective au fond, mais nous devons aussi garder en tête de prendre soin de nous en cette période. Cela implique de savoir identifier nos besoins et de les respecter. Il est parfois frustrant de sentir notre manque de contrôle sur l’évolution de la situation, mais nous gardons tout de même le contrôle sur la façon dont nous décidons de la vivre, cette pandémie. En ce qui me concerne, j’ai compris que mon bien-être passe en partie par ma capacité à m’isoler d’une partie de l’information divulguée et par le fait de faire mon chemin, à ma façon, avec les contraintes. Partir de ce terrain-là pour improviser, essayer, écouter, communiquer, vivre. Laisser la peur en dehors de ma bulle, en dehors de mon p’tit monde protégé. Vivre un instant à la fois.

Isabelle Bilodeau
Isabelle Bilodeauhttp://lespaceurbain.com
Femme multifacettes valsant entre son quotidien de pharmacienne en psychiatrie rigoureuse et son besoin criant de communiquer, de dire, d’expliquer, de partager toutes les petites choses, toutes les bulles qui lui passent par la tête. Jeune femme révoltée aux multiples intérêts: fan de musique, de peinture, de lecture, de danse, mais aussi foodie avouée, gourmande et curieuse. J’aime sortir de ma zone de confort et foncer vers les opportunités de rencontrer des gens ouverts d’esprits, passionnés, colorés.

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