Ce jour où j’ai cru avoir perdu mon bébé

*Avertissement : cet article aborde, avec respect, le thème du suicide.

Crédit : Artem Maltsev

Je relis ce texte plus d’un an après les événements et c’est toujours aussi douloureux. La souffrance est toujours aussi vive. Si tu ne sais pas ce que c’est que de trembler de tout son être, tu es chanceux. Je te souhaite de ne jamais le vivre. Je parle de trembler si fort que c’en est incontrôlable, jusque dans ses organes internes. Avoir tellement mal que tu le ressens même physiquement.

J’avais écrit ce texte au lendemain de la seconde tentative de suicide de ma fille. Je l’avais écrit pour moi, parce que ça me faisait du bien. Aujourd’hui je me dis que s’il peut convaincre quelqu’un de ne pas le faire, de ne pas faire vivre cet enfer à ses proches, ce sera ça de gagné. Heureusement, la vie a été bonne avec moi. Ma grande a presque 17 ans et est en pleine forme ! Elle a retrouvé goût à la vie et j’en serai reconnaissante pour l’éternité.

Voici donc l’histoire abrégée de l’épreuve que la vie a mis sur mon chemin à la fin du mois d’avril 2019 et les états d’âme d’une maman qui a cru, pendant quelques heures, avoir perdu son bébé.

Mon petit monstre d’Halloween


Mon bébé… mon petit monstre d’Halloween est née un 31 octobre. À 15 ans, elle est toujours mon bébé. Anaïs était le plus beau bébé que j’avais jamais vu. C’est sûr me direz-vous, c’était le tien. Non. Les infirmières à la pouponnière, chiffre après chiffre, me disaient qu’elles voyaient beaucoup de bébés, rarement aussi beaux. Quelques années plus tard, j’allais découvrir qu’elle était beaucoup plus que ça. 15 ans plus tard, elle est toujours aussi belle. Une magnifique jeune femme de 5 pieds 10. Mais elle est aussi extrêmement intelligente, première de classe, récompensée à plusieurs reprises, bourrée de talents de toutes sortes, drôle, avec de l’esprit et du potentiel comme c’est pas permis. Toutes les jeunes femmes de la terre voudraient être ce qu’elle est.

Hier, j’ai cru que je l’avais perdue. Hier j’ai vécu les heures les plus longues de ma vie.

14h17, elle m’envoie un texto : « Je suis désolée maman, je t’aime. »
Je lui réponds : « Désolée de quoi ma chérie ? »
Pas de réponse…

14h19, son père m’envoie un texto : « Anaïs va bien ??? »
Je lui réponds : « Je crois que oui pourquoi ? »
Réponse : « Elle vient de m’écrire je t’aime papa. »

Anaïs, comme bien des ados, a vécu quelques semaines avant, sa première peine d’amour. Son Karl l’a quittée après un peu plus d’un an d’amour. Ouch. Presque tout le monde l’a vécu. La première peine d’amour, elle fait mal. Très mal. Après trois semaines, Anaïs n’en pouvait plus d’avoir mal. Un soir en revenant de l’école, elle a avalé la moitié d’un pot de Tylenol codéine, la moitié d’un paquet de Gravol et tout un contenant d’un antibiotique qu’on a pas réussi à identifier. Je l’ai emmenée d’urgence à l’hôpital. On y a passé la nuit. Toute une nuit à regarder la machine à côté d’elle qui me disait si son cœur battait toujours. Toute une nuit à ne pas savoir si les médicaments laisseraient des séquelles sur ses organes. Ils avaient peur pour le foie. Vers 4h du matin, après les derniers tests, j’ai su qu’elle était tirée d’affaire. Elle n’en garderait aucune séquelle.

Quelques heures plus tard nous jasions avec le psychiatre qui me demandait si je me sentais à l’aise de la ramener à la maison. Et j’ai dit oui. Durant 4 jours et 4 nuits j’ai eu peur. Juste peur à l’idée qu’elle soit seule ne serait-ce que 5 minutes. J’ai caché tous les médicaments. Je la trainais avec moi partout comme une enfant. Je ne la laissais pas fermer la porte de la salle de bain. Je ne m’endormais pas tant qu’elle ne dormait pas. Je me levais la nuit pour aller voir si elle respirait. Je surveillais ses moindres faits et gestes.

Jusqu’à hier après-midi, 14h17.

Quand elle m’a texté, je m’en allais justement la chercher à l’école. Elle n’était pas au rendez-vous.

« Tu es où ma grande ? » Pas de réponse.
Appelle une fois. Cellulaire fermé. Appelle deux fois. Idem.

Ma tête a tout de suite fait 1+1=2. Je suis entrée dans l’école à la course et leur ai expliqué la situation. Mes pires craintes se sont confirmées : elle n’était pas allée à son cours après le dîner. Anaïs ne foxe JAMAIS de cours. Elle ne l’a jamais fait ! J’ai tout de suite su ce qui se passait. J’avais perdu mon bébé…

Où était-elle ? Personne ne le savait… Appel à la police, donne une description, triangulation de son cellulaire… le cauchemar de tous les parents. Je ne vis plus, je ne respire plus. Je crois que j’ai perdu quelques minutes. Mon cerveau a lâché. Mon chum, qui travaille à l’école, quitte pour aller voir à la maison. Après plusieurs très très très longues minutes, la police nous dit qu’il y a une ambulance à notre adresse à la maison. Une jeune femme.

« Elle est en vie ??? Il se passe quoi ??? » Pas de réponse. Je ne respire plus. Mon bébé n’est pas morte toute seule ?!? Plusieurs longues minutes passent, j’essaie de joindre mon chum qui est peut-être à la maison. Dans l’énervement, il a oublié son cellulaire. Je vais mourir c’est sûr. Je ne vois plus rien autour de moi. Puis la voix du policier : « elle respire ». C’est tout ce que j’entends. Je dois me rendre à l’hôpital, l’ambulance est en direction. « Elle va comment ? ». On ne sait pas. On sait juste qu’elle est vivante.

La loi de Murphy est une vraie bitch. Il était environ 15h30 mais on se serait crus sur l’heure de pointe à New York. Tous les vieux qui faisaient un tour de machine se trouvaient sur mon chemin. Et tout le monde prenait son temps. Une ambulance me dépasse à toute vitesse, tous feux ouverts. Anaïs. Maman arrive mon bébé.

Hier après-midi, toute seule à la maison, mon bébé a bu la moitié d’une bouteille de Hertel, une bouteille de liquide pour lave-vaisselle et avait commencé à s’entailler les veines.

On est en mai ce matin. Le mois du renouveau, le mois de la vie. Elle est vivante et c’est tout ce qui compte. J’ai eu la chance qu’elle lance des appels à l’aide. Merci la vie.

Marie-Claude Bourque
Marie-Claude Bourquehttp://lespaceurbain.com
Pur produit génération X ! J’ai grandi avec les icônes des années 80, traversé mon adolescence sans réseaux sociaux, obtenu un diplôme universitaire sans Google et vécu mes folies de jeunesse à une époque où personne n’avait de caméra dans sa poche (Dieu merci !). Maman de deux ados et gestionnaire, je survis en achetant beaucoup trop de sacoches et en buvant du vin. Je suis également dingue de petits pots qui chouchoutent notre peau, de mode, de douceurs sucrées, de moto, de voyages et de Jason Momoa …

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Comments

  1. Mon dieu… j’ai les larmes qui coulent.
    Quand on a un enfant, c’est la prunelle de nos yeux… je ne peux pas imaginer même passer proche de perdre mon garçon comme ça… 2 fois en plus. Ça me déchire le coeur juste d’y penser.
    Tu es forte! Et je suis heureuse que ta fille ait repris goût à la vie ?

  2. ? la nuit dernière, ça a fait 2 ans qu’une amie proche c’est suicidée. Malheureusement, personne ne l’a vu venir et personne n’a pu la sauver ?. Elle avait 27 ans, elle était évidemment la fille de quelqu’un, mais surtout la maman de 3 beaux enfants ??? le susicide n’est jamais une solution

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