Quand l’anormalité devient la normalité

Comme toi, je croyais qu’après quelques semaines (ou au pire, quelques mois), on retrouverait notre quotidien d’avant. Comme toi, je ne croyais pas que les flèches sur les sols des commerces seraient permanentes et que les traits étirés des travailleurs épuisés seraient là pour rester. Comme toi, je ne croyais pas que le fait de faire son épicerie de la semaine deviendrait un prétexte pour fréquenter un autre lieu que son propre domicile, qu’on convoite pourtant si souvent à la fin de nos journées chargées. Comme toi, j’espérais trouver un peu de réconfort dans les sourires d’inconnus que je croiserais dans ces allées. Il s’est avéré qu’ils étaient cachés par le masque qu’on nous obligeait à porter. Comme toi, je croyais que de se lever pour aller travailler était parfois une corvée. J’ai compris qu’il s’agit davantage d’un privilège, en ces temps incertains où plusieurs l’ont perdu. Comme toi, je me suis ennuyée. De mes parents, de mes ami(e)s, des gens que je croisais régulièrement et à qui j’aurais dû offrir un sourire, alors qu’on pouvait encore l’apercevoir. Je me suis même ennuyée de mes profs que je préférerais dont voir dans un établissement plutôt que par le biais d’un écran. Comme toi, j’ai collé un arc-en-ciel dans ma fenêtre, pour croire qu’on était réellement ensemble dans tout ça. Peut-être que comme moi, t’as fini par penser que ça n’allait plus si bien que ça.

Comme toi, je me suis fait à l’idée que l’anormalité était devenue la normalité; les classes réaménagées, les poignées de mains évitées, la crainte de tousser, l’impossibilité de se rassembler, les spectacles annulés, les restos fermés, l’économie et nos vies chamboulées. En fait, je me corrige. Ce ne sera jamais normal de devoir s’adapter au point d’être coupable de voir nos parents ou nos amis. Ce ne sera jamais normal de craindre un câlin ou un chin de verres de vin. Ce ne sera jamais normal de socialiser davantage en facetime qu’en real life.

Comme toi, j’ai du mal à imaginer le moment où on retrouvera notre quotidien d’avant. Mais malgré tout, je continue de croire qu’on est réellement ensemble dans tout ça.   

Evelyne Chevrette
Evelyne Chevrettehttp://lespaceurbain.com
Je me laisse inspirer par les humains qui croisent ma route et les expériences qui me servent de références. Des fois, ça donne des petits textes cutes. Je prends plaisir à vous les partager, un matcha à la main et la caboche pleine de rêves.

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