Temps partiel à contre-courant


J’ai toujours voulu être plus, faire plus, me prouver que j’étais capable tout autant que le prouver aux autres. J’ai toujours voulu exploiter mes forces et mon potentiel au maximum, m’investir à fond dans ce que j’entreprends, tester mes limites, étirer l’élastique au maximum pour voir où ça allait péter. J’ai travaillé pendant toutes mes études universitaires à travers le reste et ça fonctionnait, je suis passée au travers. Ensuite, je me suis lancée dans la danse jusqu’à lui donner une place centrale dans ma vie, jusqu’à m’y investir 4-5 jours par semaine. Je suis comme ça. Intense, à fond quand je m’engage dans quelque chose, peu importe dans quelle sphère de ma vie. J’ai toujours voulu être une super woman, une femme accomplie au travail, mais aussi dans sa famille, tout en restant aussi moi-même. Tout un contrat, mais j’y croyais ! ¨Ça allait de soi. Et j’évaluais mon degré de réussite dans la vie par ce critère avant tout.

Le fait est que je le sais que c’est possible, que c’est faisable tout ça! Je n’ai plus besoin de m’en convaincre, je sais que c’est à ma portée si j’y mets les efforts. Je gère maintenant mieux mon stress, je réussis à organiser mon temps avec plus d’efficacité et puis, je le vois bien que mes collègues, elles, elles ont réussi tout ça : concilier la famille et le travail 40 heures par semaine. Pourquoi est-ce que je me plaindrais ? J’ai atteint mon objectif de carrière, pourquoi continuer à me poser des questions… Après tout, c’est ce que tout le monde fait (ou presque) alors pourquoi pas moi ?

Depuis un moment, j’ai commencé à voir les choses différemment, à voir la question à l’envers : pourquoi est-ce que je devrais nécessairement travailler à temps plein pendant que je fonde ma famille ? Et même au-delà de cela, aie-je le droit de vouloir autre chose pour moi-même.

Je me sentais presque rebelle de seulement envisager de faire autrement. Rebelle envers mes critères de réussite, rebelle envers ce que je considère être les attentes de la société. Cette impression que diminuer la cadence ferait de moi une faible, une paresseuse, une perdante.

Mais pour moi, la question n’est pas de savoir si je peux travailler à temps plein (car les besoins sont là, mon emploi n’est nullement menacé actuellement et je m’y accomplis), mais si c’est ce que je veux. Je ne sais pas s’il s’agit d’une leçon de la pandémie, mais je prends de plus en plus conscience de l’importance du temps, ou plutôt de l’importance de prendre le temps. Les restrictions associées au confinement peuvent certainement être difficiles à vivre et anxiogènes, mais j’ai appris à changer mes priorités et à prendre plus de temps pour moi pour faire ce qui me fait du bien. Aujourd’hui je vois bien que ça a influencé mon bien-être de façon significative.

Le 4 jours par semaine, c’est le cadeau que j’ai envie de me faire, de faire à mon copain et probablement éventuellement à nos enfants. Être là, être disponible et en forme pour profiter des beaux moments. Parce que ça aussi c’est concilier travail et famille. Et au-delà de ces considérations, je pense que c’est une belle leçon à enseigner, la valeur du temps, l’importance de garder un équilibre entre nos différents rôles sociaux et nos propres projets, envies et ambitions. Bien entendu, cela implique une diminution substantielle du salaire qu’il faut considérer dans l’équation, mais au bout du compte, tout dépend de la valeur qu’on accorde au temps vs l’argent. Plus je réfléchis, plus j’ai envie de franchir ce pas, de sortir de la norme, de ne plus m’imposer cette pression, celle de tout faire mieux que tout le monde. Une façon de me pousser à continuer à développer des projets personnels et à me valoriser autrement que par le travail à lui seul. Une façon que la recherche de l’équilibre (concept propre à chacun, j’en conviens) devienne mon objectif central, pas seulement un parmi tant d’autres, perdu à travers le poids des responsabilités.

Et si certains y voient de la paresse, je constate que, en ce qui me concerne, c’est plutôt du courage que de choisir de faire autrement, en concordance avec ses valeurs et ses objectifs de vie.

Isabelle Bilodeau
Isabelle Bilodeauhttp://lespaceurbain.com
Femme multifacettes valsant entre son quotidien de pharmacienne en psychiatrie rigoureuse et son besoin criant de communiquer, de dire, d’expliquer, de partager toutes les petites choses, toutes les bulles qui lui passent par la tête. Jeune femme révoltée aux multiples intérêts: fan de musique, de peinture, de lecture, de danse, mais aussi foodie avouée, gourmande et curieuse. J’aime sortir de ma zone de confort et foncer vers les opportunités de rencontrer des gens ouverts d’esprits, passionnés, colorés.

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