Bon ! C’est pour quand, là, les bébés ?

5 ? 10 ? Le nombre de fois où on m’a demandé dans les 2 derniers mois c’était pour quand les bébés, et ce, de toutes les façons possibles. En famille, au travail, avec les amis, partout ! Il y a eu la question directe : “bon, c’est pour quand, là, les bébés ?” Il y a eu les insinuations, plus ou moins déguisées, selon le cas : “me semble que tu bois pas beaucoup, es-tu enceinte?” Il y a eu les sous-entendus maladroits, ainsi que les histoires de “je connais quelqu’un qui a essayé 2 ans avant que ça marche”, etc.

Je ne pense pas que parmi toutes les personnes qui ont amené le sujet, il y ait eu la moindre mauvaise intention et c’est probablement pour cette raison que je n’ai pas exprimé ma réticence à aborder le sujet, mais à chaque fois, ça me cause une certaine irritation. Au début, je n’arrivais pas à saisir exactement ce qui me mettait mal à l’aise, mais j’ai fini par mettre le doigt dessus. Parce que dans le fond, il y a plusieurs choses qui me dérangent là-dedans.

Pression sociale

Je suis une femme au 21e siècle, au Québec. Je suis consciente d’évoluer dans un environnement favorable côté droit des femmes et indépendance. Je me répète souvent que je peux faire ce que je veux de ma vie, que je n’ai pas à “satisfaire” les exigences sociales, que mon sentiment de réussite ne doit pas être trop influencé par les jugements des autres. Facile à dire ! En vérité, c’est un combat perpétuel, c’est une chose sur laquelle je travaille depuis des années. Je veux pouvoir me développer dans un contexte où je pourrai déterminer moi-même ce qui donne un sens à ma vie et à quel rythme je fais les choses. Et chaque fois qu’on me parle de bébés, c’est un pas en arrière, c’est une voix qui me dit que je ne suis pas où je devrais être, que je suis en situation d’échec. À chaque fois, c’est la société, à travers l’autre, qui me dit que pour être une femme accomplie et réussir ma vie, je dois fonder ma famille au plus vite, que je dois incarner ce rôle social. Le pire, c’est que je veux vraiment des enfants et le plus tôt possible, pour de nombreuses raisons, mais la question n’est pas là. Je pense que si je n’en voulais pas, je n’aurais absolument pas à me sentir mal de cela et que j’aurais malgré tout la possibilité de réussir ma vie en ayant des besoins affectifs comblés, en me sentant accomplie et utile à la société, en développant des passions et des intérêts, en étant heureuse, quoi! Mais je pense aussi que la vérité, c’est que la société s’attend encore à ce qu’avoir des enfants soit coché sur la check-list des femmes de la trentaine et je trouve que ça constitue une pression énorme qu’on doit pourtant porter seules.

Ça se fait à deux, ça, non ?

Les commentaires et les insinuations de grossesse que je reçois souvent, mon conjoint lui, n’en reçoit pas (ou beaucoup moins), alors qu’il est au moins autant responsable que moi du fait qu’on ait ou pas des enfants. Porter l’enfant ne fait pas de la femme la personne du couple “responsable” de fonder la famille. J’approche la trentaine, je sais très bien que la fertilité diminue à partir de 35 ans, je sais très bien que mon temps est compté, surtout dans le contexte où j’en voudrais plusieurs. Je sais aussi comment ne pas tomber enceinte ou comment optimiser mes chances de le devenir. Je suis bien informée. Probablement plus que la moyenne des gens. Je sais pas mal comment ça marche… Pour le reste, mon contrôle sur la situation est quasi nul et donc ressasser le sujet encore et encore ne m’apporte pas grand chose à part de l’anxiété.

Haut risque de blesser

Il y a tellement de situations où cette question peut blesser! On ne sait absolument rien du contexte quand on aborde le sujet. Il y a des tonnes de raisons pourquoi un couple peut ne pas avoir d’enfants :

  • Peut-être que les deux n’en veulent pas
  • Peut-être qu’une personne du couple n’en veut pas
  • Peut-être que le contexte et le moment ne sont pas optimaux dans l’immédiat
  • Peut-être que le couple essaie déjà depuis des mois sans succès…
  • Peut-être est-il question d’infertilité
  • Peut-être y a-t-il des conflits dans le couple
  • Peut-être y a-t-il eu une fausse couche récente

Les possibilités sont nombreuses. Est-ce que ça doit devenir un sujet tabou pour autant ? Non ! On parle de plus en plus ouvertement des fausses couches et c’est une bonne chose. Je ne dis pas qu’on doive éviter le sujet de la grossesse, mais je pense que ça ne devrait pas non plus être être une question banale dans la lignée du “comment ça va?”  Au lieu de me demander c’est pour quand les bébés, demandez-moi si je suis heureuse, comment va ma vie, quelles sont mes passions, mes projets, qu’est-ce qui me donne le goût de me lever le matin. Et peut-être qu’alors, je vous confierai spontanément que j’espère vraiment fonder bientôt une famille.

Je me suis aussi demandé si j’étais la seule à sentir une pression par rapport à mon âge et où j’en suis dans ma vie. Est-ce que c’est juste moi qui exagère ? Plusieurs de mes ami(e)s semblent aussi percevoir les choses de cette manière, ce qui me pousse à penser que ça touche probablement effectivement plusieurs personnes.

Et toi ? La sens-tu cette pression de fonder une famille ou plus largement, la pression de devoir être rendu à un certain endroit à un certain moment ? l’as-tu complétée, toi, ta check-list ?

Isabelle Bilodeau
Isabelle Bilodeauhttp://lespaceurbain.com
Femme multifacettes valsant entre son quotidien de pharmacienne en psychiatrie rigoureuse et son besoin criant de communiquer, de dire, d’expliquer, de partager toutes les petites choses, toutes les bulles qui lui passent par la tête. Jeune femme révoltée aux multiples intérêts: fan de musique, de peinture, de lecture, de danse, mais aussi foodie avouée, gourmande et curieuse. J’aime sortir de ma zone de confort et foncer vers les opportunités de rencontrer des gens ouverts d’esprits, passionnés, colorés.

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