La valeur d’une vie

On dira bien ce qu’on voudra, on s’attache vraiment à nos petites bêtes ! Ce qui est initialement avant tout une source de vie et de réconfort dans le quotidien devient rapidement tellement plus et je pense qu’on ne peut pas le comprendre complètement avant de le vivre. L’importance de cette petite présence devient vite centrale et la menace de voir ce lien se briser cause énormément de souffrance. Car outre les pots cassés, les dégâts, les miaulements nocturnes et la litière éparpillée, on s’habitue vite à avoir une petite vie qui compte sur nous, qui nous attend, qui recherche notre présence et nos câlins, qui nous réconforte et nous donne envie de rentrer à la maison le soir. Tant de petites choses, de regards remplis d’amour, de jeux, de chaleur. Peu de temps avant que son petit museau mignon constitue plus de la moitié de nos photos de cellulaire. Peu de temps avant que les amis et la famille prennent des nouvelles. Une belle histoire… Jusqu’à ce que…

Il y a ce matin où tout change. On les connait par coeur, nos petites bêtes, leurs manies, leurs comportements… Ce matin où il n’y a pas la quête habituelle de nourriture, pas d’enthousiasme, pas de ronrons. On scrute, on se questionne, mais on n’a absolument aucune idée de ce qui se passe. On pense juste à l’urgence de contacter le vétérinaire et on se prépare mentalement à payer la facture salée. On se réjouit du rendez-vous rapide, du bon service, on rit à moitié en se disant: “ahahah, mon chat a clairement de meilleurs soins de santé que moi”, on paye la facture sans regarder, mais on se dit quand même qu’on est chanceux avec notre assurance maladie, nous. “Faites-les les examens, on gèrera la Visa après”! On attend notre happy ending, le moment où on nous dira que ça n’était qu’un petit bobo, que tout est beau… ou pas. Parce qu’on apprend ensuite qu’aux 400 $ initial pourrait bien devoir s’ajouter un 5 000 $ de chirurgie et/ou autres examens diagnostiques en urgence, avec tout ce que ça implique. Pronostic réservé. Ça passe ou ça casse.

Pis là on est pris avec l’odieux… On ne veut pas y penser, on ne veut pas se demander combien “vaut” notre animal qui n’est plus sur la “garantie”. Ça existe des prêts pour ça ? On ne veut tellement pas devoir peser les pours et les contres, devoir se demander si on peut les payer les milliers de dollars. On ne veut pas de la culpabilité de ne serait-ce qu’envisager l’euthanasie. On n’en veut pas de la culpabilité, mais elle est là, froide, et elle s’ajoute à toutes les émotions de peur, de panique, de tristesse et de colère. Le deuil qu’on sent déjà devoir commencer avant même d’avoir pris une décision. La lourdeur de l’attente, la détresse de sentir que minou ne va pas bien et notre impuissance par rapport à ça. On veut abréger la souffrance, coûte que coûte, sans savoir si c’est la nôtre ou celle de minou… 

On m’a dit qu’il n’y avait pas de bonne réponse à cette question, celle de décider jusqu’où on veut pousser les soins,  mais j’ai l’impression qu’il y en a une plus mauvaise que l’autre et que faire la paix par rapport à ça est un apprentissage en soit. La seule certitude que j’ai, c’est que je ne jugerai jamais quelqu’un pour la décision qu’il prendra face à ce douloureux dilemme.. On ne devrait jamais avoir à attribuer une valeur financière à une vie. On est sans repère par rapport à ce jugement de valeurs qui parait tellement inhumain. Déchirés quoi qu’on décide. Perdus entre nos propres désirs et perceptions de la situation et le bien de l’animal lui-même. La boussole du bien et du mal déréglée. Coincés avec notre bagage de vie et d’expérience pour trancher, à essayer de laisser les sentiments en dehors. Parce que l’amour et l’attachement ne sont qu’une infime partie de l’enjeux au bout du compte… On se console finalement en se disant que tout l’amour et la chaleur reçus, tous ces beaux moments ont bien valu la souffrance et de poids de la responsabilité. Et que si c’était à refaire, on prendrait la même décision sans hésiter, celle d’adopter un petit être, pour le meilleur et pour le pire.

Isabelle Bilodeau
Isabelle Bilodeauhttp://lespaceurbain.com
Femme multifacettes valsant entre son quotidien de pharmacienne en psychiatrie rigoureuse et son besoin criant de communiquer, de dire, d’expliquer, de partager toutes les petites choses, toutes les bulles qui lui passent par la tête. Jeune femme révoltée aux multiples intérêts: fan de musique, de peinture, de lecture, de danse, mais aussi foodie avouée, gourmande et curieuse. J’aime sortir de ma zone de confort et foncer vers les opportunités de rencontrer des gens ouverts d’esprits, passionnés, colorés.

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